jeudi 2 avril 2015

passe-muraille

ACCES : Cavité interdite d'exploration dans l'attente d'une signature de convention avec les propriétaires. L'entrée est actuellement fermée par un bloc de plusieurs tonnes!!!

HISTORIQUE :

Erik Van den Broeck (Nature-Témoin)
Le jeudi 20 février 1997, Bernard Magos (Groupe Spéléo Nature-Témoin, Issirac) agrandit un trou d'une dizaine de centimètres et trouve l'entrée d'un aven profond, lors d'une de ses prospections dans le Bois Communal d'Issirac. Il n’a pas de corde avec lui, et rentre donc pour revenir le soir même avec Marianne, sa compagne, qui l’attend dehors. Bernard ne revient pas tout de suite, bon signe...
En effet, il met pied dans une grande salle qui, d’un côté, bute sur un cône d’éboulis mais qui descend vers un grand soutirage donnant sur un porche tout noir. Il avance prudemment vers ce vide et se trouve vite en haut d'un autre puits, qui semble très profond.

Il y retourne avec ses amis pour nettoyer la lèvre du puits, mais comme il reste beaucoup de blocs instables prêts à tomber, ses camarades considèrent le trou comme trop dangereux. Bernard se retrouve donc souvent seul pour continuer l’exploration de la suite du gouffre du Passe-Muraille, qui semble se diriger vers les grands réseaux d'Orgnac-Issirac.
Ses amis du SCCM (Chilly-Mazarin, Ile-de-France) et Bernard Baudet, ancien président de l’association Nature-Témoin, sont venus topographier jusqu’à -82 m cet aven, situé dans le périmètre classé de l'Aven Orgnac-Issirac. Après des désobstructions, la Salle Gazée au point -91 m est atteinte par des spéléologues Tchèques venus avec l'équipe du SCCM.

En 2000, à la fin d'un court week-end dans le coin, un copain belge, Dominique Wadin, est initié au Passe-Muraille. Il met son nez de l’autre côté du boyau de l’entrée actuelle, là où Bernard lui disait qu'il n'y avait rien et où c'est bien le dernier endroit où il serait allé fouiller. Mais ce Dominique avait bien découvert un soupirail ventilé, et ne voulait plus sortir du trou, alors que l'on remontait tôt en Belgique le lendemain matin... Son coéquipier Patrick Soetens n'avait pas d'autre choix que d'ouvrir le soupirail et ainsi fut découvert le Réseau Dominique... Le 29 juillet 2000, Patrick Soetens (G.S. La Cordée, Mouscron, Belgique) et J.-F. Courtial réalisent la topographie de ce réseau supérieur.

Nous nous trouvons à la fin de l’époque d’une ‘guerre spéléo’ des Communes, afin de trouver les plus beaux réseaux et surtout une autre entrée pour les aménagements touristiques.
Les explorations et les désobstructions dans ce gouffre très gazé se poursuivent donc avec différents coéquipiers, en toute discrétion.
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Au point culminant de ses découvertes, notre Bernard se voit même exclu de son gouffre, exploration interdite par les Communes, qui avaient posé un rocher de plusieurs tonnes sur l'entrée. La garrigue a été rasée au bulldozer, la police faisant la surveillance.
Avec une bonne cinquantaine de phénomènes karstiques, le potentiel était encore assez grand dans ce coin ensoleillé. Certains étaient prometteurs, avec chaque fois de la désob à la clé. Mais dès qu’il y avait une activité spéléologique un peu assidue, cela réveillait également certains hommes en uniforme bleu, qui gentiment, faisaient dégager !
Au nom de la Science, pourquoi interdire l’exploration, voire la prospection sur une si vaste zone ? Un tas de grottes isolées ne seront peut-être jamais explorées, alors que ça n’intéresse plus personne de trouver des grottes touristiques plus belles qu’ici !
C’est en octobre 2001 que Bernard Magos préconise dans son ‘plaidoyer pour la poursuite de l’exploration des réseaux souterrains protégés : que les mesures de protection prévoient conjointement des dérogations spécifiques pour permettre la poursuite des explorations car il y a tout lieu de penser qu’un réseau aussi grandiose comporte des prolongements à découvrir’... Un premier appel à négocier une réouverture des explorations. 12 Ans plus tard, elle verra le jour !

Quelques années après, notre ami Bernard découvre l’entrée d’un boyau, qui donne sur une étroiture jonctionnant avec... le cône d’éboulis dans la salle sous l’entrée principale du Gouffre du Passe-Muraille !
L’exploration des puits du Réseau Dominique indique des départs vers Labastide, au Nord...
Un trou, même bien camouflé, n’est plus un secret bien gardé : à deux reprises, en 2008 et en 2010, notre association se retrouve avec tout son équipement de cordes et amarrages enlevé par des inconnus.

Sur une compilation des plans existants (trois en total), nous remarquons une discordance de 25% entre les échelles quand on superpose tous les calques, et même une différence de plus de 10 degrés en azimut! Une retopographie de toute la grotte s'impose, donc.
Notre but est de 'savoir' au moins ce que représente cet aven, question de démystifier ce secret public bien toléré d’accès depuis : je me suis donc attelé à ce projet.

Au printemps 2011, Guido Goossens, Bernard Magos et moi équipons une traversée autour du grand puits dans l'ancienne partie. Nous réalisons une bonne centaine de mètres de topographie d'un réseau parallèle au réseau supérieur, ne pouvant descendre plus profond à cause du taux CO2 trop élevé, mais surtout.... because les cordes que nous avions laissées, ont ‘disparu’ une troisième fois. De même pour le matériel qui était préparé pour descendre le Réseau du Cochon Irradié.
Ensuite, nous équipons l’Ancien Réseau en goujons M12 et mousquetons industriels en acier jusqu’à -35 m, pour décourager un peu le vol de matériel. Pendant six mois, notre pierre-témoin sur l’entrée nous raconte tout sur la présence de visiteurs dans la grotte.


L'été 2011 s'annonce comme une plongée sans eau dans ce « fluidum » souterrain plein de gaz carbonique. Notre ami plongeur flamand, Raf 'PapaSpéléo' Vanstaeyen, reconfectionne ses recycleurs de plongée pour qu'ils puissent être utilisés en spéléo. Test final hors grotte. J'ai la tête qui tourne après quelques minutes, car je n'ai pas de pince au nez et j'ai du mal à éviter qu'il y ait de l'air ambiant qui entre dans le circuit fermé, ce qui va entraîner une overdose d'azote qui peut même m'empoisonner. Le lendemain, vérification de la théorie: on devrait être capable de ‘plonger' dans le boyau sous le Puits Gazé pour un état des lieux autour des -90 m.

Dans la salle sous l'entrée, à notre surprise, le taux de CO2 avait presque doublé par rapport à la semaine passée, et le taux de gaz carbonique dépassait les 3% dans la Grande Descente à -40 m. Le puits gazé étant fort chargé (3,5%) nous le descendons en circuit fermé. Pour l'occasion, j'ai des bouchons d'oreille dans le nez pour éviter un empoisonnement à l'azote. Avec les recycleurs d'oxygène, nous avons une autonomie d'un peu plus qu'une heure.

La réalité : comme mon équipement est désolidarisé (bouteille d'oxygène pur dans le kit sur le dos et filtre attaché devant au baudrier dorsal, puis les 2 tuyaux vers ma bouche), j'ai du mal à désescalader le ressaut à -80 m. Pire : dans le boyau, je suis obligé d'enlever toute mon installation, sinon je ne passe pas dans la chatière derrière. Mais il m'est impossible de passer les 2 valises à travers la boue liquide à cause du poids (défaut sérieux et sous-estimé que n'ont pas les plongeurs sous l'eau...) sans enlever la pièce de la bouche : impossible, et je décide donc d'aspirer l'air très gazé pendant quelques dizaines de secondes. Hélas, la pièce prend aussi la flotte et il faut respirer dans un embout en mangeant de la boue liquide et du sable pendant la demie heure qui suit! Raf a légèrement plus de facilité, car il a l'habitude de la plongée, et sa bouteille est attachée à son filtre avec une sangle à cliquet.

Finalement, nous voilà à -91 m, dans la cloche au-dessus du P2, et devant l'étroiture qui nous empêche de passer dans la Salle Gazée, nous rebroussons chemin car notre bagage est trop encombrant.

La remontée est pénible, parce que j'ai aussi le kit avec d'autres cordes, matériel de désob et une perceuse.

 
Dans la foulée, Raf ne remarque pas qu'il a perdu son descendeur... Nous sommes obligés d’y retourner quelques jours après, car il en aura besoin en expé, et nous descendons encore une fois à -80 m pour le retrouver devant le boyau infernal. Cette fois ci, on prend chacun une bouteille d'oxygène plus détendeur, ce qui est moins encombrant, mais qui ne nous laisse qu’ une autonomie de 15 min seulement.

Comme nous trouvons des taux de CO2 un peu moins élevés que la dernière fois, on peut se permettre de respirer un peu de mauvais air, avec en alternance la bouteille d'oxygène pour ne pas être trop vite empoisonné. Je n'ai pas trop mal à la tête. Pourtant le gaz me donne énormément de douleurs dans les os et particulièrement dans le cou.
On décide de profiter de ce moment pour jeter un coup d'oeil dans le P2, vu que l'eau sortant du boyau tombe assez profond dans l'étroiture en-dessous, et que ça résonne bien. Par contre, la descente dans la suite vers le bas ne sera pas possible sans désobstruction !
Avant d’avoir la tête qui tourne trop, nous ne pouvons pas résister à nous faufiler pendant quelques secondes dans le trou qui donne dans l'une des salles les plus magnifiques que j'ai jamais vues sous terre. La salle "Gaz de France" existe bien: on se croit dans une géode énorme, avec des cristallisations partout, dans laquelle il est conseillé de quitter les combis... Nous ne mettons donc pas un pied dedans et nous remontons. Le retour est assez pénible et fatigant à cause de la quantité de gaz respirée.

Par chance grâce à la haute pression atmosphérique, quelques semaines après, j’arrive à atteindre la Salle Gaz de France avec Guido de Keyzer (VVS, Belgique) et nous arrivons même à la topographier, ainsi que le puits en remontant du fond à -60 m, car il n'y a que 2,95% de CO2.

Dimanche 29 janvier 2012. Topo et déséquipement ; mesure CO2 + O2. La pression atmosphérique est de 1013 mBar, et nous n’avons presque pas eu de pluie depuis l'été : on s'attend à beaucoup de gaz.
Bernard descend jusqu'au premier puits. Dans la salle sous l'entrée où il y a 2% de
CO2 pour 18,9% de O2
il respire déjà mal et ressort.
Je continue avec Mickael Leroy (Ressac-G.A.S.Orgnac). Partout dans les puits je mesure entre 3,5 et 3,8% de gaz carbonique. A -60 m il n'y a que 17,8% d'
O2
. Pourtant, nous descendons jusqu'au fond pour retrouver de la boue liquide et même de l’eau dans le boyau ! Nous jetons un des derniers cailloux qui restent dans le P2 de l'Echo. Il roule très loin avant de tomber dans un grand vide.
Dans la Salle Gaz de France, mon gazomètre monte très vite au-dessus des 5% de
CO2
. Nous ne pouvons y rester qu’ à peine 30 secondes, avant de remonter en vitesse le Puits Gazé.
Finalement nous décidons de tout déséquiper, car le zicral des amarrages, surtout les maillons speedy, commencent à former une croûte de calcite. On reprend la topo en remontant de -60 m par visées inverses pendant que Mickael enlève l'équipement.

Après le traitement des données topographiques, le haut du puits de l'Echo se trouve à la profondeur confirmée de -91 m, la descente étant pénétrable jusqu'à -93 m. La profondeur de la topo de 1997 n’en était donc pas loin, mais en plan nous avons un réseau qui couvre une zone nettement plus grande qu'avant: 412 m de développement sous un carré de 50 x 70 m.
Il serait intéressant de faire un sondage de présence des variétés de diaprysius pour voir la relation avec l'aven avoisinant.
Les coordonnées de l’entrée seront publiées après convention signée par les propriétaires.
A suivre donc...


BIBLIOGRAPHIE :
-tubes n°28. 2014. Erik Van den Broeck. p21 à 26.

TOPO :

 
PHOTOS :
 


photos: N.Vergez assistant M.Leroy

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